PAYSAGISTE ET..... PAYSAN

Immersion dans la ruralité.

Thierry VIVIANT, paysagiste concepteur, responsable d’ALUPA - Atelier Limousin d’Urbanisme de Paysage et d’Aménagement – Marie France MOREL, collaboratrice

Paysangiste en campagne.

Pourquoi s’engager dans une double activité ?
Le terme de multi-activités me semble mieux correspondre à nos activités. Dans cette aventure à deux, c’est ma compagne qui a le statut officiel d’agricultrice. Elle me seconde aussi au sein de l’atelier ALUPA. Cette installation en milieu rural isolé est un projet de vie. Après 15 ans passés à Versailles dans des conditions idylliques puisque nous avions un logement de fonction dans le Potager du Roi, nous avons décidé de changer de cadre pour le nouveau millénaire. Il a fallu adapter nos activités à ce nouvel environnement. Spécialisé dans la restauration de parcs et jardins historiques, je me suis converti à la revitalisation des bourgs ruraux patrimoniaux. Nous avons été séduits par le Limousin pour ses paysages bocagers habités de veaux, vaches, cochons... Nous gérons à l’heure actuelle 25 ha de paysage vallonné avec un troupeau en plein air intégral de 120 brebis dont nous commercialisons la descendance en race pure pour l’éco pâturage. Notre projet était de maîtriser le paysage tout autour de notre lieu de vie. C’est un luxe que l’on ne regrette pas.

En quoi cette activité est-elle complémentaire de celle de paysagiste ?
Vivre et travailler en immersion dans le monde rural et être bénéficiaire de la politique agricole commune permet de comprendre comment le paysage est façonné par des décisions prises au niveau européen (parcellaire, cultures, alignements d’arbres structurants, maillage bocager...). Ces connaissances nous sont utiles dans notre quotidien lorsque nous réalisons des diagnostics à l’échelle du grand paysage et pour échanger avec les acteurs du territoire. Expérimenter personnellement la gestion d’espaces anthropisés nous permet d’être plus efficace et pertinent dans l’élaboration de nos projets et leur suivi à long terme. Contrairement à un architecte, nous livrons un aménagement dont la réussite est liée à la gestion et au développement du végétal. De notre point de vue, la projection du projet végétal fait partie de la démarche de conception. Notre attachement au végétal est certain, mais la singularité de l’atelier est de travailler avant tout sur la création d’espaces et non spécifiquement sur la végétalisation de l’espace public.

Qu’a changé cette double activité dans votre organisation ?
Paysagiste concepteur est déjà une profession aux multiples compétences, très exigeante, qui demande d’y consacrer 100 % de son temps et de son énergie. Il n’y a normalement pas de place pour une autre activité. Ce choix volontaire à la marge et atypique est la soupape de sécurité qui permet de décrocher
du quotidien. Il faut prendre le temps de faire autre chose, même si cela nous coûte. Tous les jours, nous adaptons notre emploi du temps en fonction des rdv, de l’urgence des dossiers et des impératifs de la ferme. Nous essayons de trouver un équilibre entre travail au bureau la plupart du temps sur ordinateur et activités agricoles. Étant par obligation sédentaires (contrairement à nos confrères), les acteurs locaux du territoire viennent spontanément vers nous pour nous faire part de leurs problématiques afin que nous puissions ensemble trouver des solutions.

n°49 - hiver 2020