Note de lecture

Antonin Carême, le pâtissier pittoresque.

Patrick VETTIER, inspiré d’extraits choisis par Allen S. Weiss

Rudy Ricciotti déclarait récemment « ...notre destin d’architecte : c’est faire de la cuisine ! C’est faire de la complexité !... » Je pense que notre pâtissier se serait bien retrouvé dans ces propos s’il avait vécu à l’époque de Rudy.

Les historiens s’accordent sur l’apport d’Antonin Carême (1783-1833) à la gastronomie française, célèbre initiateur d’une nouvelle cuisine considérant celui-ci comme le pâtissier des rois et des princes durant l’Empire et la Restauration ; étonnant aussi quant à son patronyme qui appelle d’avantage à la diète qu’à la dégustation de superbes pièces montées de choux croque-en- bouche, de crème pâtissière à la vanille, de sucre filant, de pistaches hachées, de meringues glacées, ruisselantes et perlées... à l’origine de sa grande notoriété dans toutes les cours d’Europe.

Antonin Carême attachait autant d’importance à la valeur décorative des plats qu’à leurs qualités gustatives, tel l’embellissement d’un parc parisien ou le jardin du Prince ! Sa démarche créative était transcendée par un goût immodéré pour l’architecture aux références puisées dans ses lectures, si bien nommé le « Palladio de la cuisine ». Le gastronome accordait ses temps de loisirs à étudier le dessin au cabinet des estampes de la Bibliothèque royale pour fonder son inspiration, à la fois classique et romantique, dans une grande diversité de rotondes, de temples, de forteresses, de pagodes, de kiosques... particulièrement de ruines de toute sorte, une hybridation de styles et de matériaux, quitte à transgresser les limites historiques en « folies » dans une réduction fantaisiste et utopiste, tel un Ledoux, un Lequeue voire un Boullée.

Pour bien connaître les détails et les dessins, il est nécessaire de les rendre familiers, recommande notre chef à ses jeunes apprentis, plus particulièrement ceux qu’ils considèrent être les fondements de toute architecture puisés dans le « Traité des 5 ordres d’architecture », selon Vignole, sa référence suprême ; une pâtisserie fabriquée avec goût et élégance dans un rendu minimalisme de couleurs tendres et nuancées, conditions pour atteindre la connaissance parfaite de l’art du Pâtissier. Antonin Carême est curieux,c’est un grand voyageur qui tamise dans les récits de voyages, le souffle de son imagination bouillonnante au service d’un vernaculaire réduit aux limites de sa matière d’œuvre.

Je pense qu’Antonin Carême, le pâtissier qui se rêvait architecte, reprendrait volontiers à son compte la citation de Salvador Dali : « la beauté sera comestible ou ne sera pas ».

n°49 - hiver 2020