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Réapprendre l’architecture.

Benoît Hermet, rédacteur journaliste

Quand on l’interroge sur son parcours, André Guiraud explique que les notions d’écologie ou de matériaux biosourcés ne faisaient pas partie des enseignements reçus à l’école ou lors de ses expériences en agences. Il ne s’agit pas d’une critique, simplement d’un état de fait. La question de la forme était jusqu’ici beaucoup plus centrale. André Guiraud est aussi très attentif à l’esthétique de ses projets mais il l’intègre à d’autres préoccupations. «  Notre génération doit faire face à de nouveaux défis auxquels nos aînés n’ont pas répondu pour différentes raisons. Aujourd’hui, nous devons réapprendre la manière de concevoir le projet, ce qui demande de nouvelles stratégies, un nouvel engagement, de la recherche et donc du temps  », poursuit cet architecte de 33 ans, installé à Bordeaux. Les crises de la période actuelle, l’urgence de modes constructifs plus vertueux, accélèrent encore ce processus de changement. «  Nous sommes en train de perdre le sens profond de l’architecture en faisant de nos bâtiments des assemblages de produits industriels qui nous sont dictés par les forces du marché et du numérique  », écrit Bernard Quirot en préambule de son ouvrage Simplifions. L’engagement dans une voie nouvelle n’est pas incompatible avec la recherche de la beauté, essentielle, souligne André Guiraud : «  Nous devons être généreux, dépasser les objectifs purement performatifs, faire appel au bon sens et mettre la qualité architecturale au centre des projets.  » Ses premières réalisations témoignent d’une recherche personnelle de simplicité, de clarté. Pour restructurer une échoppe bordelaise, il propose à ses clients d’ouvrir une façade qu’il remplace par une baie. La lumière se réfléchit sur un pare-vapeur, matériau habituellement invisible, auquel répond le drapé d’un voilage. Pour la rénovation d’un appartement, il aboutit à une forme d’abstraction qui ne sectorise plus les espaces et les usages, laissant une liberté d’évolution par
la suite. Prendre le temps, être attentif aux détails, oublier la rentabilité… André Guiraud choisit aussi des matériaux adaptés à la demande de ses clients, à leur budget, mariant l’artisanal et l’industriel avec soin. Sans prétendre incarner de modèle, une belle énergie est à l’œuvre.

n°55 - Été 2022