Archipride | Les institutions

Prestation de serment des Jeunes Inscrits au tableau de l’Ordre de Nouvelle-Aquitaine. ARCHIPRIDE, 1er juin 2018 au 308 à Bordeaux.

Patrick Bloche, aincien président de la commission Culture et éducation à l’Assemblée Nationale

« Je suis très ému de me retrouver devant vous aujourd’hui. En effet, je devais venir à Bordeaux pour participer au séminaire sur la loi LCAP organisé par le 308 en décembre  2016.
Au dernier moment, il a fallu que je renonce pour mener une bataille parlementaire dans le cadre de la discussion du budget pour sauver le financement des CAUE. J’ai défendu un amendement et je l’ai fait adopter.

Je suis donc d’autant plus heureux d’avoir pu répondre à la proposition du Conseil de l’Ordre des architectes, d’être le parrain des Jeunes Inscrits au tableau de l’Ordre de Nouvelle-Aquitaine, pour la première promotion de cette grande région.

Je me retrouve totalement dans ce qui nous amène à nous rencontrer.

Maire du 11e arrondissement de Paris, j’ai vécu de manière très passionnée les enjeux de l’urbanisme dans un arrondissement qui accueille le plus grand nombre d’agences d’architecture, alors aussi député et président de la Commission des Affaires Culturelles et de l’Éducation, je me suis demandé :
«  Comment puis-je être utile ?  » à cette place. C’est ainsi que j’ai persuadé mes collègues de la commission que je présidais, de mettre en place une mission d’information sur l’architecture, deux sujets qui nous interpellaient :

— «  Comment cela se faisait-il que, dans un pays comme la France, si attaché à son patrimoine, avec la nostalgie qui souvent la caractérise, les deux tiers des constructions neuves soient réalisées sans architectes ?  »

— Par ailleurs, l’architecte n’était plus au cœur du projet : de la conception à la réalisation et à la livraison. Nous constations des rapports de forces et une accumulation de normes souvent contradictoires, qui s’ajoutant en couches sédimentaires faisaient que la création architecturale pouvait être totalement bridée.

J’ai ressenti le besoin de libérer cette création architecturale, et fait des propositions, jusqu’à instituer l’article 88 dans la loi LCAP et suggéré «  le permis de faire  » substituant des objectifs à atteindre à une logique prescriptive de moyens.

Nous avons pensé qu’il fallait créer un désir d’architecture dans notre pays et fait trente-six propositions «  Pour une création architecturale désirée et libérée  » ; titre du rapport remis en juillet 2014. Il aurait pu se retrouver sur une étagère.

Jacques Delors m’a dit un jour :
«  En politique, le plus important ce sont souvent les circonstances  ».

Il a fallu que Fleur Pellerin, nouvelle ministre arrivant rue de Valois se dise : «  Qu’est-ce que je peux faire qui n’a pas été fait ?  », puis «  Tiens il y a un rapport de Bloche, je vais m’en saisir  » et dès octobre 2014 étaient lancés trois groupes de travail qui ont construit la Stratégie Nationale pour l’Architecture.

Deux projets de lois attendaient dans les «  tiroirs législatifs  », il a été décidé de n’en faire qu’un : le projet de loi Création et Patrimoine, devenu «  loi LCAP  » : loi relative à la Liberté de Création à l’Architecture et au Patrimoine.

Le combat fut rude. On a en France des lobbies puissants et des idées reçues tenaces : qu’un architecte créerait plus d’inconvénients, ferait perdre du temps et coûterait cher. Nous les avons faites reculer entre  2014 et  2017.

J’ai vécu tout cela très étroitement avec une grande dame, que je salue, Catherine Jacquot, qui était la présidente du CNOA durant toute cette période.

Et puisque c’est une «  Pride  », et en l’occurrence «  l’Archipride  », je voudrais qu’au moment où vous prêtez serment vous ayez cette fierté.

Il y a aussi dans la fierté une combativité : être fier nous amène à être combatif.

Les combats ne sont jamais terminés.
On peut avoir des phases heureuses auxquelles succèdent parfois des phases régressives.
Je vous épargnerai tout le mal que je pense de la Loi ELAN, vous le devinez, et je me retrouve à vos côtés pour essayer de «  rectifier le tir  ».

L’article 1er de la loi de 1977 nous dit que : la conception architecturale est d’intérêt public. C’est une loi qu’il faut défendre parce que justement elle est attaquée au même titre que la loi MOP de 1985.

En tant qu’observateur, sinon objectif, je n’ai jamais vu les architectes autant mobilisés qu’aujourd’hui. Et je félicite chaleureusement le Conseil national de l’Ordre, les Conseils régionaux et les syndicats pour leur action.

Je vous dis donc : soyez fiers d’être architectes, vous avez un rôle majeur à jouer. Grâce à vous, dans les années qui viennent, la France doit être plus belle, pas seulement d’un point de vue esthétique, pour ses paysages, pour ses villes mais plus belle humainement.

Parce que votre rôle est aussi humain, vous êtes celles et ceux qui êtes en capacité de convaincre ceux qui décident, les élus et les populations, de les persuader de la pertinence des projets que vous portez.

Comme je l’ai écrit il y a quatre ans, et je pense que c’est toujours vrai : L’architecte, doit être placé au centre de la construction du quotidien, figure de l’universalité il doit avoir les compétences pour agréger toutes les autres autour d’un projet. Il sait se faire urbaniste et aménageur, créateur et ingénieur, porte-parole des citoyens, conseiller du responsable politique et pilote de chantier ; c’est à cette seule condition que la création architecturale pourra retrouver une place digne de ce nom à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui : un aménagement
du territoire de qualité, une ville inévitablement durable. »

La première promotion des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre de Nouvelle-Aquitaine comptait 101 architectes dont les deux tiers ont pu venir de toute la région prêter serment le 1er juin devant leur pairs.

Au premier rang, entourant Patrick Bloche et Virginie Gravière, présidente de l’Ordre de Nouvelle-Aquitaine, à gauche trois anciens présidents de l’Ordre des architectes d’Aquitaine Eric Wirth, Michel Moga, Bernard TRINQUET à droite Jacques Puissant, ancien président de l’Ordre d’Aquitaine et à ses côté Benoît Engel, vice président de l’Ordre de Nouvelle-Aquitaine, ancien président de l’Ordre de Poitou-Charentes.

n°40 - automne 2018 - septembre
(PDF - 2.6 Mo)