Témoignage

Parole de locataire.

Benoît HERMET, concepteur-rédacteur

Locus Solus est une résidence participative en locatif social, initiée à Bordeaux par le bailleur Aquitanis et conçue avec l’atelier Éo, toutes architectures 1. Rencontre avec une habitante.

« Mon appartement, je le voulais tel que vous le voyez aujourd’hui. Spacieux, lumineux, avec le moins de cloisons possibles…  » Chemisier blanc et jean foncé, Rolande a des yeux verts pétillants. Ancienne secrétaire de lycée, cette retraitée vit depuis trente ans dans le quartier du Grand Parc. Elle a toujours été locataire car, financièrement, ce n’était pas possible autrement. Son appartement est un T2 d’environ 60 m2, agrémenté d’un jardin d’hiver comme les autres logements de la résidence.

En 2014, quand le bailleur Aquitanis informe d’un projet d’habitat participatif au Grand Parc, Rolande hésite, malgré son implication dans la vie du quartier. « En tant que locataires, nous n’avions pas l’habitude d’être sollicités pour prendre la parole. » Une fois les premières réticences levées, notamment grâce au rôle d’un médiateur, les réunions s’enchaînent, pour travailler, aller au restaurant, visiter d’autres bâtiments ou créer l’association des locataires de la résidence.

L’aventure dure quatre ans, chantier compris. Les architectes conservent la maîtrise technique, les locataires conçoivent l’intérieur de leur logement lors d’un atelier collaboratif. La dizaine de personnes des débuts s’est étoffée à une vingtaine, en partie grâce au bouche-à-oreille, jusqu’aux 46 logements que comprend la résidence aujourd’hui. L’association gère l’attribution des jardins partagés ou le planning de la chambre-relais qui permet de recevoir des membres de sa famille. Rolande a même fait partie de la «  commission poules  » – en stand by pour le moment – qui s’occupait de quatre poules pondeuses et de la redistribution des œufs auprès des habitants.

Comme dans tout projet collectif, il y a des hauts et des bas, des relations de voisinage à construire et à faire durer. Les locataires voudraient planter une vigne et cultiver un potager avec les enfants, une nouvelle occasion pour Rolande de s’impliquer. « La première fois que j’ai vu le mot participatif, je me suis dit, ce sera mon projet de vieillesse. Plutôt que d’être toute seule dans mon immeuble, je sors, je prends la coursive ou l’ascenseur et je rencontre toujours quelqu’un. Je me sens bien ici. »

1 Siegrid Péré-Lahaille et Antoine Carde.

N°53 - hiver 2021