édito

Nouveaux regards, nouveaux égards : quels outils pour fabriquer la ville non métropolitaine ?

Sandra Planchez, architecte DPLG et urbaniste IEP, maitre de conférences des écoles d’Architecture, Architecte conseil de l’état, département des Pyrénées-Atlantiques.

La grande métropole a fait long feu. On a beau nous expliquer qu’il faut nous regrouper dans les grandes villes, bannir l’étalement urbain, son pavillonnaire et ses hyper-marchés dans lesquels bitume et tôle sont des rois et des reines, que nenni. Les chiffres le montrent : les jeunes générations quittent les grandes villes pour les « moyennes » 1 qui ont le vent en poupe. Un quart des français y vit déjà, appréciant des échelles plus fines du territoire, la possibilité d’une maison de ville, d’un plus grand logement, d’une échappée belle dans la nature ou encore d’un peu d’air pour les enfants. Pour répondre à la question que posait Vincent Souffron dans l’édito du 308+ sorti au printemps, oui la revanche des villes moyennes aura bien lieu.Mais sous quelle «  forme de ville  » dirait Julien Gracq  ? Avec quelles ambitions et quels regards / égards pour l’architecture  ? Comment fabriquer de nouveaux lieux pour la ville afin de lui donner ses qualités de vie individuelle et collective  ? Aurait-on le droit de parler de beauté d’une ville moyenne ou d’une plus petite encore, dans un pays qui compte 90 % de communes de moins de 10 000 âmes ? Certaines d’entre elles sont entrées dans le dispositif des «  Petites villes de demain  », lancé par l’état en 2020 et leur permettant de bénéficier d’une ingénierie compétente pour les rendre plus attractives et répondre aux défis d’aujourd’hui pour demain. Cependant elles sont parfois bridées et mal protégées par des plans locaux d’urbanisme (PLU) souvent inadaptés, et rédigés de manière juridique avant de l’être avec une attention plus sensible au territoire dans lequel elles s’inscrivent. D’autres villes, plus petites encore, abritent moins de 1 000 âmes et représentent pourtant plus d’un quart des communes françaises. Elles n’ont ni PLU, ni PLU intercommunal encore moins de PLU métropolitain.

Alors que fait-on pour s’adapter aux spécificités de chacune d’entre elles  ? Celles qui ne peuvent s’appuyer que sur le règlement national d’urbanisme, trop généraliste pour apprécier leurs qualités intrinsèques, et leurs architectures chargées d’une histoire liée à leur climat, à leur géographie, aux modes de vie de leurs habitants  ?Architectes, nous avons tous été confrontés un jour à une décision pour le moins surprenante via un refus de permis de construire pour une question d’alignement, de toiture, de percement ou de couleur de matériau de façade …La problématique est toujours la même, l’inadaptation locale d’une loi ou décision nationale.Je me souviens avoir été impressionnée par une visite dans le Vorarlberg, cette région d’Autriche où, en plein cœur de villages historiques, des constructions résolument contemporaines - un petit gymnase, une salle de musique, une extension individuelle - étaient néanmoins parfaitement intégrées au paysage. Alors plutôt que de s’arc-bouter sur des règlements statistiques pour le plus grand nombre, ne serait-il pas temps d’imaginer pouvoir proposer, au cas par cas, des commissions ad-hoc souveraines car comprenant en leur sein la pluralité de points de vue nécessaire à la qualité et la pertinence de la décision ? Ne serait-il pas temps de permettre à des constructions contemporaines de qualité de montrer que l’on peut lutter contre le pastiche d’une architecture passée que l’on ne sait plus construire et qui ne fait plus sens  ? C’est la question que je soumets à l’ensemble des acteurs, car l’intelligence collective sera toujours préférable à l’application sans entrave d’un règlement juridiquement conforme mais plastiquement inadapté. A méditer.

N°56 - automne 2022