entretien / portrait | interview

Entretien avec Atelier du Sillon

Maison de l’Architecture du Limousin en Nouvelle-Aquitaine

Entretien avec Atelier du Sillon
Pauline Gillet et Nicolas Besse paysagistes concepteurs, AJAP 2020.
Maison de l ’Architecture du Limousin en Nouvelle-Aquitaine.

Quelle définition donneriez-vous au terme de frugalité ?
Spontanément, les mots qui nous viennent sont sobriété, légèreté, économie.

Quel rapport avez-vous à la frugalité ? Quelle application a-t-elle ou non dans votre démarche de paysagistes ?
Il s’agit pour nous de faire bien, voire très bien avec peu, être efficace avec une exigence forte ce qui demande de sortir des schémas classiques ou habituels. Nous sommes attentifs : appréhender et comprendre l’existant, rechercher les ressources disponibles sur le territoire, autant matérielles qu’humaines… saisir des opportunités. Un projet frugal est souvent synonyme d’une rationalisation/baisse de budget. Mais le projet peut être généreux. Frugal et généreux ne sont pas en contradiction. On n’a pas les mêmes moyens, mais les enjeux restent les mêmes.

Comment prenez-vous en compte le vivant dans vos projets, les végétaux et les humains ?
La base du métier est de travailler avec le vivant : le sol, le végétal, la nature, les humains…
Nous échangeons et faisons de nombreux allers- retours avec maîtres d’ouvrage et usagers afin d’en percevoir les atouts et dynamiques… utiliser des possibles… travailler avec, transmettre et permettre l’appropriation du projet.
Dans le cadre de la résidence Vassivière Utopia, nous avons en plus de la conception, construit le projet. La technique pierre sèche a été valorisée au travers de chantiers participatifs accompagnés de Philippe Deubel, bâtisseur pierre sèche. Les pierres ont été collectées sur la commune, échanges de « coup de main » à un particulier qui déposait un mur. Le chantier participatif a permis de transmettre un savoir- faire auprès de la population locale qui peut ensuite l’appliquer. Le peu de moyens amène des réponses différentes tout autant adaptées et qualitatives.

Vous exercez en Limousin, territoire vert et rural. À quelles problématiques êtes-vous confrontés ?
En territoire rural, les thèmes et les enjeux sont spécifiques et variés. En ville, la demande de végétalisation est forte. À la campagne, le paysage est très présent, la « nature » à proximité immédiate. Mais dans de nombreux cas de centre-bourg par exemple, on retrouve des problématiques similaires. On note notamment la disparition ou la détérioration du patrimoine végétal, la dominance de l’automobile dans les aménagements et la faible qualité d’espace pour les piétons… La question de l’habitat est également très présente, avec l’idéal de l’habitat individuel proche du paysage. Nous avons pu travailler à l’étude préalable pour l’installation de hameaux. Comment on vient construire ? Comment intégrer la topographie, les vues, les éléments singuliers comme une haie bocagère… donner une base aux aménagements, proposer un pré-verdissement, établir une notice paysagère/donner des conseils d’implantation aux futurs habitants… Nous menons le travail de réflexion et de conception en maquettes évolutives avec les maîtres d’ouvrage et instructeurs. Manipulables, elles permettent à chacun de se questionner, de se positionner et de réfléchir au projet ensemble. Nous souhaitons valoriser des qualités de vie pour les futurs habitants tout en sortant des schémas classiques, soigner l’héritage de ce qui va s’implanter, être vigilants par rapport au paysage et à la société, ce qu’on construit, ce qui reste, ce qu’on laisse.

Atelier du Sillon et Philippe Deubel, Vassivière Utopia, Nedde, 2020. Photographie : Atelier du Sillon

N°52 - automne 2021