ARCHITECTE ET..... MÉDIATEUR

Culture architecturale.

Michel JACQUES, architecte, co-fondateur d’arc en rêve centre d’architecture.

Les valeurs communes
Je ne suis pas sûr qu’il y ait de valeurs communes à tous les architectes. Ni l’école ni les organisations professionnelles ne sont là pour produire des valeurs. La connaissance et le savoir-faire ne sont pas la garantie de valeurs partagées.

Il suf t pour cela simplement d’observer autour de nous, la production architecturale trop souvent résultat de successives démissions.
Je mesure l’engagement de beaucoup d’architectes, mais est-il toujours là
où il devrait être ?

La question pourrait se poser autrement, la société a-t-elle l’architecture qu’elle mérite ? Comment peut-on laisser sur le bord de la route des habitants qui aspirent à de légitimes conditions d’habitation.

Je suis convaincu que l’architecture détient une partie des clés qui permettrait de résoudre les urgences sociales et environnementales
de notre époque. Ce métier est devenu aujourd’hui terriblement dif cile à cause
de renoncements successifs dont nous sommes en partie responsables.

C’est pourquoi je crois si important de développer une culture architecturale partagée avec les citoyens. C’est eux qui détiennent l’expertise de l’habiter.
Aux architectes de les écouter et de les accompagner. Tout le savoir-faire et le talent de l’architecte peut s’exercer dans cette équation. Alors habitants et architectes reprendront langue. Je garde un indéfectible optimisme quant à cette idée.

Les motivations du choix de ne pas exercer de maîtrise d’oeuvre.
Ce n’est pas vraiment un choix. Très rapidement, au cours de mes études d’architecture, dans les années 70, j’ai eu la conviction qu’il existait une dif culté entre les architectes et les gens en général. Une sorte d’incompréhension,
une langue inconnue, une production étrangère aux aspirations de la plupart des habitants, et une profession qui se retranchait derrière des certitudes au lieu de se remettre en question, et d’interroger ses pratiques.
C’est peut-être cela qui m’a conduit à explorer d’autres voies sans renoncer à une discipline universelle aux formidables enjeux pour la société.

Les rapports aux architectes maîtres d’œuvre.
Pourquoi les rapports avec architectes maîtres d’oeuvre me poseraient a priori une dif culté ? Nombre d’entre eux sont des compagnons de route, avec lesquels nous partageons beaucoup d’idées et d’actions. Je ressens toutefois, certes de moins en moins, un manque de reconnaissance de la part des architectes maîtres d’œuvre pour ceux qui explorent d’autres voies, d’autres pratiques.

Le port du titre d’architecte.
De nombreux architectes, les jeunes architectes en particulier, non titulaires de l’habilitation à exercer la maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMONP) – quelle formule soit dit en passant ! - explorent souvent de nouvelles voies. Ils doivent être encouragés en ce sens. Eh bien, après cinq années d’études, ils n’ont pas le droit de porter le titre d’architecte... c’est un mauvais signe de la profession et de la société vis-à-vis de la jeunesse. La diversité des pratiques
de l’architecture est la clé du développement d’une culture architecturale. Quoi qu’il en soit j’ai la conviction que cette diversité des pratiques de l’architecture constitue une réponse à la complexité et à l’ampleur de la tâche qui nous attend.

540. n°50 - printemps 2021