Patrimoine

Carte postale de Royan en 2040

Pascal Lebrun, architecte.

En cette année 2040, j’ai décidé de passer des vacances dans la station balnéaire de mon enfance : Royan

Je ne sais pas si mon âge avancé est la cause de cette envie, mais me retrouver dans des lieux familiers me remplit de bonheur. Je me souviens de nos jeux d’adolescents mais le plus plaisant reste ces balades dans une ville où le temps s’est arrêté aux années 50.

Malgré les années passées, ces balades restent un véritable plaisir. Des choses ont changé dans l’environnement, la voiture se fait plus discrète, la végétation et les espaces verts plus présents, mais l’architecture ne change pas, enfin presque. Je n’ai pas retrouvé la maison de Jean Prouvé. Où est-elle ?

Alzheimer frappe à ma porte ou plutôt à ma tête. Quitte à passer pour un fou je suis allé à l’office de tourisme. Là, une hôtesse holographique me demande ce qu’elle peut faire pour m’être agréable. Je lui demande de m’indiquer l’adresse de la maison de Jean Prouvé. Elle m’indique le Boulevard Germaine de la falaise et m’informe que la maison n’existe plus mais qu’une borne explicative est disponible en lieu et place de cette regrettée bâtisse.

Chemin faisant, je repense à cette maison en portique et aux dimensions de 8 mètres par 12 mètres qui ont été réalisées après-guerre pour vérifier sa résistance à l’air marin. Cette maison était comme un phare qui gardait et protégeait l’architecture de la cité. Comment cette maison qui a servi d’atelier d’architecture a pu disparaitre ?

Arrivé sur place, je découvre un immeuble impersonnel et sans caractère. J’apprends que le terrain a été vendu en 2016 à un promoteur privé. La maison a été vendue au galeriste Patrick Seguin spécialisés dans la vente d’objets de Jean Prouvé. Il a démonté la maison pour la vendre à des passionnés d’architecture. Mais où ? Aux États-Unis, en Chine,…

Comment Didier Quantin, maire de l’époque, propriétaire du terrain, de la maison et fils de Marc Quantin, a-t-il pu vendre un morceau de patrimoine Royannais ?

La borne m’apprend qu’une association s’est battue pour préserver cette maison sur Royan. Cependant, celle-ci n’a jamais fait l’objet de protection ou de classement. Par conséquent, Monsieur Quantin était dans son bon droit. J’apprends également que l’association, en accord avec Monsieur Seguin, a réalisé un film du démontage de la maison pour garder en mémoire la trace de Jean Prouvé sur le territoire de Royan.

Voilà, les vacances se terminent, comme dans ma jeunesse je suis triste. Non pas de quitter un amour de vacances mais de perdre une maison qui était le témoignage d’une époque. Mais je me réjouis, car cette maison a aujourd’hui une seconde vie et est détenue par des amoureux de l’architecture des années 50. De notre côté, il nous restera nos souvenirs et nos films de vacances.

1 - En 2016, cette maison est toujours visible sur place.

308 N°33 FORMAT PDF POUR LECTURE SUR TABLETTE
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