juridique

Architectes, écrivez ! Mais à bon escient…

Laurence Servat , directrice et juriste du CROA Aquitaine

Afin de prévenir les litiges et éviter de voir sa responsabilité professionnelle mise en cause, il faut prendre des précautions et ne pas hésiter à écrire, principalement dans le cadre du devoir de conseil de l’architecte.
Les traces écrites permettront, en cas de conflit, de démontrer que l’architecte a rempli ses obligations.

Alors quand faut-il prendre sa plume ?

Quelques conseils au fil de la mission.

Phase programmation

L’élaboration du programme de l’opération incombe au maître d’ouvrage. Elle doit rester de la responsabilité du maître d’ouvrage, même si l’architecte l’aide à définir ses besoins et à les formuler par écrit.

Il ne faut pas oublier de faire préciser au client s’il souhaite des labels (BBC par exemple), des modes constructifs particuliers, des matériaux ou procédés précis, etc.
L’architecte doit se faire préciser le montant de l’enveloppe financière dont dispose la maîtrise d’ouvrage et quelles dépenses elle englobe : travaux, VRD, honoraires, etc.

Dès ce stade, il faut refuser les demandes irréalisables techniquement ou financièrement.

L’architecte est invité à faire signer le programme par le client.

Dès la phase de programmation, l’architecte doit remplir sa mission de conseil : rappeler au client que la souscription d’une assurance dommages-ouvrage est obligatoire, qu’il faut prévoir une étude de sols… tout cela par courrier.

Phase contractualisation

L’architecte doit travailler avec un contrat écrit signé de son client. Ce contrat doit être respecté par les deux parties. Pour l’architecte, cela signifie no­tamment de respecter sa mission : pas plus, pas moins.
Toute modification doit faire l’objet d’un avenant. Toute interruption doit être formalisée par écrit.

L’architecte doit refuser de se rendre sur le chantier, pour quelque raison que ce soit, si sa mission a pris fin avec les études.

Attention aux délais !
L’architecte s’engage sur les délais qui sont de son ressort : ceux des études, pas ceux des travaux, pas ceux de la livraison de l’ouvrage, pas ceux de l’instruction du permis ou de toute autre intervention extérieure. Il ne peut donc y avoir de pénalités de retard, pour l’architecte, que sur les phases d’études.

L’architecte ne doit pas s’engager non plus sur un prix ferme et définitif. Son contrat pourrait alors être requalifié en contrat de construction de maison individuelle avec des obligations spécifiques no­tamment en matière de garanties.

Phase études préliminaires

Les études préliminaires comportent la faisabilité de l’opération au regard des règles d’urbanisme et de construction, ainsi qu’une esquisse.

L’architecte doit se renseigner, non seulement sur les règles d’urbanisme applicables à l’opération, mais également sur l’existence éventuelle d’un réglement de copropriété ou de lotissement, de servitudes privées et publiques… Il appartient au maître d’ouvrage de fournir ces informations à l’architecte, mais s’il ne le fait pas spontanément, l’architecte doit les solliciter.

Bien entendu, l’architecte doit respecter toutes ces règles et droits.

De même pour l’étude de sols. Si le maître d’ouvrage refuse de commander une étude de sols, l’architecte doit en prendre acte, par écrit, et attirer l’attention de son client sur les risques ainsi pris.

À ce stade, l’architecte établit une estimation de l’opération par ratios, et vérifie l’adéquation du programme avec le budget. En cas d’inadéquation, il doit la signaler à son client impérativement par écrit. Le chiffrage doit être daté, et préciser l’étude sur la base de laquelle il a été établi, les surfaces, les procédés particuliers annoncés, etc.

Le budget du client doit être respecté, tout au long des études. A chaque fois qu’une modification est demandée, l’architecte en prend acte par écrit (courriel minimum) pour prévenir son maître d’ouvrage que la modification demandée entraînera un surcoût. Le programme et le chiffrage sont alors réactualisés. Il est impératif d’alerter le client des impacts financiers de ses demandes et d’obtenir un accord écrit pour tout dépassement de budget.

Les études préliminaires vont conditionner la suite de l’opération. Elles doivent donc faire l’objet d’une validation formelle du maître d’ouvrage (comme chaque phase et comme chaque document remis).

Phase avant-projet

L’architecte doit exiger les études techniques nécessaires à la conception du projet. Ces études sont à la charge du maître d’ouvrage, soit directement confiées à un bureau d’études, soit confiées à l’architecte qui sous-traitera. En cas de refus, l’architecte doit prendre note, par écrit, et informer des risques pris par le maître d’ouvrage.

En attendant, les études porteront la mention « sous réserve des résultats des études techniques ».

Il appartient au maître d’ouvrage de déposer sa demande de permis de construire en mairie. L’architecte doit lui faire signer toutes les pièces.
L’architecte ne doit pas faire démarrer les travaux avant l’obtention du permis de construire.

L’affichage du permis de construire sur le terrain est une obligation du maître d’ouvrage.

Phase consultation des entreprises

La rédaction du descriptif ou CCTP doit être très précise, pour éviter les erreurs de chiffrage des entreprises et les surcoûts.

Le choix des entreprises doit être fait avec sérieux : vérification de leur existence juridique, qualifications, assurances, taille par rapport au chantier, solidité financière etc.

L’architecte doit consulter plusieurs entreprises par lot, sauf si le client se contente d’un seul devis par lot (dans ce cas, il faut en prendre acte par écrit).

Au final, c’est le maître d’ouvrage qui choisit les entreprises avec lesquelles il va contracter. Si l’une de ces entreprises semble peu fiable, il faut en prévenir le client par écrit et l’informer des risques qu’il prend avec cette entreprise.

Attention au choix du moins-disant ! L’architecte doit informer son client des risques pris en recherchant toujours le prix le plus bas, sur la qualité, les délais, etc.

Le planning des travaux est très important : c’est l’architecte qui le prépare. Le planning n’engage les entreprises que s’il est validé par elles. Il faut donc veiller à le faire signer par toutes les entreprises. Idem pour les plannings modificatifs. L’architecte ne s’engage pas sur les délais de chantier (donc pas de pénalités pour lui sur cette phase).

Attention aux avances ! Il n’est pas dans l’intérêt du client de faire des avances importantes aux entreprises, par exemple 30 ou 40 % à la signature du marché. L’entreprise peut « partir » avec l’avance, sans faire les travaux… L’architecte doit être vigilant sur ce point, tout en permettant les approvisionnements.

Phase chantier

L’architecte doit prévenir le maître d’ouvrage qu’il ne doit payer aucune facture directement aux entreprises que l’architecte n’aurait pas visée. Évidemment, l’architecte ne doit valider les situations que si elles sont conformes à l’état d’a­van­cement réel des travaux.

L’architecte doit faire attention aux sous-traitants. Ceux-ci doivent être déclarés, par l’entreprise principale, au maître d’ouvrage. Le paiement des sous-traitants, direct ou non, doit être convenu.

L’architecte doit prévoir dans son contrat le rythme des visites de chantier et s’y tenir. Il peut conduire des réunions de chantier spécifiques, notamment à certains moments-clés du chantier : lorsque certains travaux ne sont visibles qu’à un moment donné par exemple. L’idéal est de prévoir aussi, dans le contrat, le nombre de visites de chantier (en cas de dépassement, des honoraires complémentaires pourront être négociés).

Il faut impérativement faire des comptes-rendus de chantier et y noter tout ce qui ne va pas, comptes-rendus qui seront diffusés à tous les intervenants.

Si des travaux supplémentaires sont nécessaires ou demandés par le client en cours de chantier, il faut faire signer les avenants correspondants aux marchés de travaux. En tout cas, les faire accepter formellement par le client. L’architecte produira aussi son propre avenant si besoin.

Phase réception

La réception est un acte de la maîtrise d’ouvrage par lequel elle accepte les travaux. L’architecte l’assiste pour ces opérations de réception, et notamment pour établir la liste des réserves.

Pour réceptionner, il faut que les travaux soient achevés, notamment ceux qui mettent en cause la sécurité des personnes.
L’architecte ne doit assister le maître d’ouvrage que pour la réception des lots dont il avait le suivi des travaux.

n° spécial Alerte ! - septembre 2011