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Architectures dessinées

Matthieu Bergeret, architecte

La rencontre entre dessin et architecture évoque les croquis en trois traits de Renzo Piano, les narrations métropolitaines de Benoît Peeters et François Schuiten ou Nicolas de Crecy, les aquarelles de Steven Holl, les isométries compulsives de Chris Ware et par extension les peintures déconstruites de Zaha Hadid notamment.

L’exposition «  architectures dessinées  » résonne d’une tout autre manière. Sur fond de grands panneaux de bois brut, on est invité à entrer dans cinq alcôves, à découvrir cinq univers singuliers. Les artistes exposés cherchent l’expression, la narration, l’usage ; ils racontent des histoires, mettent en tension le réel et l’imaginaire.

Les illustrations ne sont pas en concurrence avec les représentations assistées par ordinateur. Elles proposent des vibrations, des émotions face à l’asepsie des codes actuels. Elles apparaissent concrètes car accentuant avec abstraction une projection dans laquelle nous prenons plaisir à entrer. Dessiner c’est choisir et donc s’engager, ainsi la prise de position de chacune des œuvres est au service d’une vision où le bâtiment, le paysage et les habitants sont exprimés selon une hiérarchie fine, comme une projection d’un futur quotidien.

Les cinq artistes invités sont visiblement passionnés. Certains font le choix de lier croquis et dessins comme pour mettre en avant le côté nécessaire de cette pratique. Certains proposent des perspectives rigoureuses et rectilignes, d’autres déforment et colorent ou ombrent par touches, noircissent au trait ou au poché. Certains jouent, truffent leurs cadres de milliers de détails invitant à observer, à chercher, à s’amuser des découvertes. Certains nous déstabilisent avec des tentatives graphiques inédites comme des axonométries plates ou des coupes perspectives.

Dessiner c’est également risquer, instabilité liée à la rature, au tremblement de trop. Les œuvres comportent parfois des reprises de traits, des essais de stylo dans les marges, des aplats comme masques, nous voyons que le papier est creusé, malmené, autant d’éléments dans lesquels nous projettons une vision vivante de la confection des œuvres.

Si dessin et architecture se marient à merveille dans cette exposition, c’est aussi pour rappeler que les idées, les projets, les visions prospectives sont porteuses de poésie et de fragilité. Que le dessin porte une autre facette de l’architecture, plus essentielle, qui fait appel aux sens et à la mémoire collective pour affirmer l’engagement dont peuvent faire preuve les jeunes artistes-architectes.

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