juridique

Gérer la défaillance d’une entreprise sur un chantier

Patrick Cormenier , Direction des sinistres de la MAF

Très fréquemment, c’est le maître d’ouvrage qui, pour des raisons économiques, a fait le choix de l’entreprise « moins disante ». Or l’entreprise la moins chère est souvent celle qui connaît déjà des difficultés financières, celle qui est entrée dans une logique de fuite en avant et qui ne peut plus payer ni ouvriers qualifiés, ni conducteurs d’opération.

Avant un abandon de chantier, que se passe t-il dans la quasi totalité des cas ?

L’entreprise qui connaît des difficultés de trésorerie laisse derrière elle des désordres qui vont en nombre croissant parce qu’elle n’a plus les moyens de payer des ouvriers qualifiés ou, le plus souvent, de faire encadrer son personnel.

Dans la grande majorité des cas, l’architecte qui assume correctement sa mission de direction de chantier décèle suffisamment tôt tous les problèmes. Il en fait état dans ses comptes rendus de chantier, met l’entreprise en demeure de reprendre ses ouvrages mal réalisés et avertit le maître d’ouvrage des difficultés qu’il rencontre.

Les risques, en termes de responsabilité, sont de deux ordres :

→ Il peut être reproché à l’architecte de ne pas avoir constaté suffisamment tôt certains désordres qui ne pourront pas être repris avec les sommes que le maître d’ouvrage, sur ses conseils, n’a pas payées à l’entreprise défaillante.
→ Plus grave est la multiplication des désordres et finalement l’abandon du chantier par une entreprise qui n’est pas assurée avant réception.
Dans de telles affaires, tout est exponentiel : le coût des travaux de réparation, le retard pris par l’opération, qui, au final sont mis à la charge de l’architecte et de son assureur.

En effet, si l’architecte a la mission de direction, la reprise des désordres sera supportée par lui au titre de la solidarité puisque l’entreprise sera défaillante et non assurée.

Après l’arrêt de chantier, la reprise des travaux

Il faut rappeler les principales mesures à prendre par l’architecte en cas de défaillance d’une entreprise.

Après une mise en demeure d’avoir à reprendre le chantier, non suivie d’effet à l’issue du délai, le maître d’ouvrage adressera une nouvelle mise en demeure à l’entreprise de reprendre les travaux sous un délai de 8 jours, sous peine de résiliation du marché, avec reprise des malfaçons et non conformités et poursuite des travaux par une autre entreprise, aux frais et périls de l’entreprise défaillante.

À l’expiration de ce nouveau délai, le maître d’ouvrage prendra l’initiative d’envoyer à l’entreprise une lettre de résiliation du marché pour inexécution fautive.

Ce courrier RAR devra également prévoir une convocation de l’entreprise à un constat contradictoire des ouvrages exécutés sur le chantier, en présence du maître d’ouvrage, de l’architecte et d’un huissier de justice.

Le constat qui sera dressé par l’huissier, avec l’aide de l’architecte, devra comporter un reportage photographique.

La mission de l’architecte se poursuit par la reprise des travaux.

L’architecte produit un bordereau estimatif et quantitatif des travaux restant à exécuter (CCTP) et des reprises d’ouvrages éventuelles en vue de préparer une consultation d’entreprises (au moins deux).

Le maître d’ouvrage doit être clairement informé des surcoûts engendrés.

Une fois les prix de l’entreprise de substitution connus, l’architecte prépare un compte de résiliation. Il intègre dans ce compte, au débit de l’entreprise, le coût des reprises des malfaçons et des non conformités, afin que le maître d’ouvrage le notifie à l’entreprise ou à son mandataire liquidateur.

L’architecte prépare les ordres de service de reprise des travaux pour l’entreprise de substitution.

Ces ordres devront impérativement être signés par le maître d’ouvrage avant toute intervention de l’entreprise ; ils porteront mention du marché précité et du délai d’exécution conforme au nouveau planning de fin de travaux qui devra avoir été, au préalable, validé par le maître d’ouvrage.

L’architecte n’est pas responsable de la disparition de l’entreprise et de l’arrêt du chantier consécutif.

Par contre, il ne doit pas perdre de temps dans la réalisation des différentes phases rappelées ci–dessus, sous peine que le maître d’ouvrage lui reproche un préjudice directement consécutif à son inertie.

Extraits d’une note plus développée sur « les arrêts de chantier » à consulter sur le site www.maf.fr ouwww.le308.com

n°14 spécial Lot-et-Garonne - avril 2012