développement durable

Nouveau rôle

stéphane hirschberger , Architecte

La terre, résolument

Dans son rapport Nature 2008 le WWF indique
que la consommation en ressources naturelles de
l’humanité excède de 30% les capacités de la planète
à se régénérer. Il indique qu’à ce rythme il faudra
2 planètes en 2030 pour répondre à ses besoins.

Aujourd’hui, à peu d’exception près, tout le monde est d’accord sur la nécessité de placer les questions environnementales au cœur des préoccupations,
à quelque niveau que ce soit. Nous, architectes,
ne devons pas écarter cet enjeu de nos réflexions,
de nos pratiques, de notre enseignement. Nous pouvons apporter une pierre singulière à ce nouvel édifice en construction.

La terre, tranquillement

Participons à ce changement majeur avec détermination. Sans complexes, sans craindre de perdre
la spécificité de nos compétences, faisons évoluer
les conditions mêmes de production des projets.
L’obligation d’un développement durable nous impose de réinscrire l’architecture dans une réflexion attentive où espace, matière, lumière côtoient avec intelligence et respect le contexte physique mais aussi social.

Implicitement, c’est une occasion de faire sortir
notre pratique d’une tentation récurrente d’isolement et d’autarcie. L’environnement doit remettre l’architecture sur la terre et l’architecte dans la cité.

Partout et sans cesse

L’idée d’une « architecture durable » en soi,
efficace mais calibrée, n’est pas garante d’une présence élargie de l’architecture dans le débat public alors que les enjeux environnementaux transcendent les cloisonnements habituels de pensée et offrent l’opportunité historique d’aller tous au-delà des habitudes, d’étendre les champs classiques d’action de notre métier.
Nous devons sereinement et en toute situation
porter attention à tout ce qui concourt à la bonne efficacité écologique : récolte et économie de l’eau, maîtrise des énergies consommées, qualité environnementale des matériaux et traçabilité. Conscience et responsabilité, dans chaque projet.

Bon sens et technologie

L’efficacité environnementale, c’est l’occasion d’allier bon sens et technologie, d’être « high-tech
avec un tournevis ». C’est revenir à des idées simples
et expérimenter les techniques les plus subtiles.
C’est surtout éviter la simple juxtaposition de procédés techniques, l’examen de performances, la conformité
à des normes. L’architecture, discipline complexe
et exigeante, permet de penser au-delà des systèmes
et dépasser le simple « greenwashing » [1].

Ville durable, ville choisie

La ville de demain que nous devons aider à fabriquer sera une ville choisie et décidée aussi par ceux qui
y vivent. Mettre l’environnement au cœur des politiques demande une large acceptation de tous parce que le
développement durable perturbe nos modes de vie
et exige de nous un effort.
L’architecture, parce ce qu’elle construit et accueille le cadre de vie, participe ipso facto à la mise en œuvre
de ces « renoncements inéluctables ». Elle peut surtout aider notre société à les mettre en œuvre avec ingéniosité et créativité pour rendre ces mutations moins douloureuses et surtout collectives.

Une nouvelle pratique sociale de l’architecte

En Allemagne, des écoquartiers entiers se construisent à partir de « Baugruppen », groupes d’habitants qui montent ensemble des projets de logements à haute performances environnementales. Derrière ce que parfois nous estimons n’être que des réussites techniques, il y a une « manière de faire » particulière dans laquelle l’architecte joue un nouveau rôle de médiateur entre collectivité, usagers et écologie. Au cœur du dispositif, il met
ses capacités au service d’une pensée globale où l’architecture partagée définit une ligne de conduite environnementale qui dépasse le cadre habituel de son métier.

Et l’ouvre ainsi à d’autres horizons.


[1Le terme greenwashing désigne un procédé de marketing utilisé
par une organisation (entreprise, gouvernement, etc) dans le but
de donner à l’opinion publique une image écologique responsable,
alors que plus d’argent a été investi en publicité verte qu’en de réelles actions en faveur de l’environnement.

n° 1 - décembre 2008