Mais depuis quand la règle fait-elle le projet  ?

Marie-Pierre BARRÉ

Vers des règles d’objectifs pour concevoir des projets du XXI° siècle.
La règle empêcherait de concevoir des projets de qualité  ! Les PLUi seraient dépassés et déphasés des ambitions de projets des territoires, incapables d’apporter les réponses aux enjeux planétaires. Ils limiteraient les conceptions alternatives des architectes, paysagistes, urbanistes  ; à la ville comme à la campagne. Nous partageons tous que certains documents réglementaires sont obsolètes ou mal conçus mais les temps changent.

L’urgence climatique mais aussi celle de l’accueil de population sur le littoral basco-landais, ou celle du réinvestissement des bourgs et petites villes à l’intérieur ou à la montagne, invitent à chambouler nos habitudes. Plutôt que de se cacher derrière des règlements qui entravent ou pas, la question est de savoir si chacun d’entre nous est prêt à renverser la table !

Peut-on promouvoir un urbanisme agile, «  à la carte  » qui utilise les ressources locales, compose avec les lieux et non s’impose à eux ? Les urbanistes sont-ils capables de renoncer à l’exercice de composition urbaine  ? Les architectes peuvent-ils prendre un peu de hauteur pour regarder le site  ? Les élus et habitants sont-ils prêts à accepter la verticalité  ? Les acteurs de la construction, financeurs et promoteurs peuvent-ils renoncer à des m² pour maintenir un arbre en vie post chantier  ?

Les outils de planification intelligente existent  ! Il faut les utiliser, ne pas avoir peur de faire autrement, quitte à se tromper, se donner la possibilité de faire marche arrière mais aussi discuter en amont, prendre le temps de comprendre les objectifs, limites, acceptabilité de chacun.

Certes la parcelle comme unité de référence des PLUi ne va pas toujours dans le sens d’une gestion intelligente du projet (eau, sols, arbres, vues, mutualisation des accès). Mais le cadre offert par les évolutions réglementaires permet de voir les choses autrement  : des règles d’objectifs plutôt que des normes de hauteur, d’emprise, etc…qui transforment les règlements en manuels de mathématique  ; des Orientations d’Aménagement et de Programmation lorsqu’une conception d’ensemble s’impose, dépassant le coup «  immobilier  » à faible intérêt de projet.

La trajectoire du Zéro Artificialisation Nette (ZAN), nous invite à penser en mode projet… Rien de nouveau car ces possibilités de concevoir l’aménagement de l’espace autrement existent depuis tout aussi longtemps que les lois intègrent l’objectif de réduction de la consommation foncière.

Le réchauffement climatique et le ZAN appuient sur la nécessité de préserver ce qui donne de l’air, apporte de l’ombrage, capte nos émissions polluantes tout en revenant aux sources du vernaculaire, au bon sens  : privilégier l’utile sans renoncer à l’esthétique mais en étant plus conciliants.

Certains règlements permettent de «  faire ce que l’on veut  » si le projet permet de préserver les ressources du site. Si le concepteur sait justifier ses choix et convaincre d’une plus-value d’usages, de confort, de réversibilité, alors bien souvent il peut discuter la règle.

N°56 - automne 2022