carte blanche

«  Le Lot-et-Garonne ? mais c’est où ça ?  »

André Nowak, architecte à Castelnau-sur-Gupie - Inscription à l’Ordre : 028287

C’est à peu près ce que j’entendais en quittant boboland et les bistrots de Paris 11…
Adieu densité urbaine, prospects, prix du m² hallucinant, délais impossibles. Mais aussi, bon débarras, chères figures imposées !….
Ici, un territoire traumatisé, pauvre et mal aimé, que ses enfants fuient pour la grande ville.
«  Ici, il ne se passe rien  » disent-ils…
Et moi qui arrive pour faire l’architecte…

La relation toute nouvelle à l’espace et au temps me stupéfie dès le début. Se déplacer est un jeu d’enfant, évidemment. Mais oublier le chausse-pied épuisant du début d’un projet est une vraie découverte : à la place du décodage de règlementations absconses ou puériles, je réfléchis et je dessine d’abord. Les parcelles sont vastes, l’horizon est visible et même le vent d’Ouest compte ici.

Sur le terrain, la partie est délicate. Ça fait quoi, un architecte ? C’est quoi un projet ? Alors il faut écouter, expliquer, comprendre ce que l’on attend de moi, se rendre attractif. Mes premiers projets sont modestes. Mais l’architecture du quotidien ne m’effraie pas. Vieilles fermes retapées, petits permis de construire, quelques réhabilitations…

La réalité du paysage de campagne est un autre choc ! Entrées de ville modelées par la grande distribution, lotissements en guise de développement urbain, centres bourgs fantômes… Sur les coteaux, des joyaux d’architecture rurale s’étiolent, abandonnés par la vie. L’automobile, souvent du dernier modèle, est partout, fière et rutilante. La complainte est ressassée, mais doit-on s’en satisfaire ?

Le processus d’un projet — projet de société ou d’architecture — ou de l’absence de projet, me questionnent. En comprendre les rouages devient vite une nécessité : je deviens architecte-citoyen. Alors je m’intéresse à l’envers du décor. Le réseau associatif en est un rouage précieux. Culture, nature et comités de pilotage occupent quelques soirées, la vie de famille en souffre, mais le jeu en vaut la chandelle…

Chaque communauté de communes a son Conseil de Développement (merci loi SRU). J’intègre donc rapidement le mien : la parole y est libre, les sujets abordés sont ambitieux. Côtoyer des élus, se confronter au «  marketing territorial  » ou à la problématique des maisons de santé est une expérience nouvelle. J’y découvre un jargon, une perception du terrain. Mes quelques contributions sonnent juste.

Je rejoins l’association Architectes en 47. Des professionnels qui échangent, de nouveaux liens et un maillage territorial fort. Exister ensemble et affirmer nos spécificités portent leurs fruits : les portes des mairies s’ouvrent, des machineries inaccessibles nous accueillent. C’est si facile quand on représente 40 architectes… Des groupes de travail en émergent, qui questionnent la ruralité, les friches, les lieux laissés pour compte… Proposer, inventer la commande, être le poil à gratter : ça me donne des ailes.

Une certitude aujourd’hui : mon regard d’architecte me donne une capacité à dire ce dont beaucoup sont incapables. Et prendre du soin à ce que je fais, porter la culture architecturale et l’autre, sont les seules choses qui valent !

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