édito

L’âme de l’Architecte

Éric Wirth, président du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes d’Aquitaine.

Comment en sommes-nous arrivés là ?
Pourquoi nous sommes-nous perdus en route, en oubliant l’essence même de l’architecture : les sens.

Pourquoi la pratique actuelle de ce métier est-elle devenue si pénible, si stressante, au mieux ennuyeuse ? Parce que nous le pratiquons dorénavant comme un ingénieur (et forcément moins bien que lui !), et non pas comme un architecte.
Dans nos projets, la lumière est devenue FLJ, le confort thermique Bbio ou Uw, le matériau Empreinte carbone et l’espace Mètre cube. Et même la rémunération est réduite à un simple (très simple) pourcentage…

Les architectes, encore et toujours bons petits soldats, ont cru à tort qu’on les aimerait mieux et plus s’ils mettaient en œuvre toutes les normes, règlements techniques et administratifs produits quotidiennement par une administration qui veut continuer à exister, au lieu de se poser la question du bien fondé de ces carcans qui les étouffent, tout en faisant le lit des grands groupes, industriels ou du BTP.

A ce jeu, ils se sont laissés entrainés sur un terrain qui n’est pas leur, et où ils ne peuvent évoluer qu’avec l’appui non seulement nécessaire, mais également imposé, des nouveaux maîtres du jeu, tous les spécialistes et experts, tous ces métiers nés dans les vingt dernières années (économiste, HQE, SPS, diagnostiqueur, certificateur,…), et qui détiennent, eux, les codes modernes de l’acte de bâtir, dont le principal objectif d’ailleurs est de rassurer le maître d’ouvrage !

En jouant docilement le jeu, en oubliant son viscéral esprit critique et la dimension militante et humaniste de son métier et de son rôle, l’architecte français a perdu son âme.

Au point d’ailleurs qu’il est dans l’incapacité complète d’expliquer sa légitimité dans le projet, pire, son utilité, au-delà des sempiternelles niaiseries de «  l’architecte chef d’orchestre », ou de «  sa vision globale et transversale » ! En dernier recours, il invoque (tant que c’est encore possible) «  l’intérêt public de la création architecturale  »…

Et c’est un ingénieur (pas des moindres, certes) qui m’en a fait prendre conscience. Quand Jacques Anglade évoque nos 5 sens oubliés et l’âme des matériaux, il me fait douloureusement comprendre que c’est parce que nous avons oublié nos fondamentaux que nous sommes dans l’impasse aujourd’hui

Heureusement, l’âme ne meurt jamais. L’architecte si.

Vive la vie. Vive l’architecture.

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